Brève introduction à Cornelius Castoriadis

Publié le par L'idrealiste

« L’objectif de la politique n’est pas le bonheur, c’est la liberté. »
C. Castoriadis (Les Carrefours du Labyrinthe tome IV) 7
 

Un peu d'égocentrisme :

Je propose cette sorte d'exposé (brièvement introductif) sur le thème majeur de la pensée de Cornelius Castoriadis pour plusieurs raisons :

- J'aime bien son nom, je trouve que ce nom est une promesse de profondeur en soi, alors que le nom « Bernard-Henri Levy » me semble prometteur de néant. (merci de ne pas extrapoler à d'autres noms, ma théorie risquant immédiatement de s’effondrer lamentablement)

- J'ai toujours eu le sentiment d'avoir pour mission de donner des leçons aux autres, et ma psy qui veut souvent en parler avec moi ne m'a jamais contredit ouvertement, d'ailleurs je vous remercie d'avoir la délicatesse de faire de même.

- Le mouvement « Nuit Debout », puis l'évolution actuelle du mouvement des « Gilets jaunes », m'amène à penser que la volonté de changement profond de la société en France, ces derniers temps, s'exprime trop confusément et maladroitement et que les protagonistes de cette volonté et de ces mouvements gagneraient à connaître la pensée d'un penseur pertinent comme Cornelius Castoriadis, afin de donner une direction plus consciente et claire à leur lutte. Bon, et puis après j'ai découvert Castoriadis seulement la semaine dernière, et dès lors je me comporte comme celui qui vient d'arrêter de fumer et ne comprends pas comment d'autres peuvent encore fumer (ou ne pas connaître Castoriadis).
 

Un peu de sérieux :

Voilà quelques années que je me demande comment aller plus loin que la pensée socialiste - qui est historiquement et idéologiquement dépassé par les enjeux et les aspirations actuelles – et ne plus seulement penser des aménagements de celle-ci. Ce questionnement pourrait s'énoncer autrement : comment faire avancer la démocratie ?

Bien sûr, il y a déjà plein d'idées que j'ai pu glaner ci et là, comme tout un chacun : la démocratie participative ou délibérative, les élections par tirage au sort, le revenu d’existence, le référendum d'initiative populaire, etc. Il y a là des solutions d'avenir, à n'en pas douter, mais j'avais besoin d'un concept d'ensemble.

Ma pensée va lentement (je ne suis pas un intellectuel), à tâtons (je ne fréquente pas d'intellectuels), et si des auteurs comme Benasayag ou Gramsci entre autres m'ont accompagné à certains moments, j’ai trouvé ce que je cherchais confusément chez Cornelius Castoriadis, grâce à un ami.

Cet auteur développe une pensée complète et cohérente autour de la notion de projet d'autonomie individuelle et collective, comme étape suivante pour la démocratie et suite du socialisme.
 

Introduction :

« Son érudition et son intérêt pour l’histoire, l’anthropologie, la psychanalyse, la philosophie, l’économie, mais également les sciences « dures » font de lui un penseur atypique, ardent défenseur de la transdisciplinarité qu’il considère comme fondamentale pour penser les enjeux politiques et sociaux du monde de manière globale. » 5

Article ''facile'' : https://www.monde-diplomatique.fr/1998/08/CASTORIADIS/3964
 

Sur les significations imaginaires qui fondent notre (et toute) société :

« Une société ne peut devenir autonome que si elle (ses membres) entretient un rapport lucide à ses significations imaginaires sociales et à ses institutions, et donc, selon Castoriadis, si elle se reconnait elle-même comme à l'origine de celles-ci, plutôt que d'instituer la croyance selon laquelle elles proviendraient d'une source extra-sociale incontestable (divinités, Lois économiques ou lois de l'histoire, etc.). C'est en ce sens que Castoriadis parle de la « rupture de la clôture de l'imaginaire institué ». 2

« Aucune société ne peut vivre sans se donner une représentation d'elle même. Or, contrairement à toutes les sociétés précédentes, la société capitaliste ne se donne pas d'elle même une représentation mythique ou religieuse ; elle veut s'en donner une représentation rationaliste (différent de rationnelle), qui soit en même temps sa « justification ». (…) Elle invoque le savoir, la compétence, la scientificité, etc. (…) Elle prétends être rationnelle (mais) produit massivement ce qui est irrationalité de son point de vue même. » 4
 

Sur la démocratie représentative :

« La représentation (en politique) comme elle existe aujourd'hui, c'est d'abord une aliénation (au sens du transfert de propriété) du pouvoir des représentés vers les représentants, et en même temps une division du travail politique, structurel et institué, entre dirigeants et dirigés. Cette division du travail doit être abolie, cela veut dire abolir la domination d'une couche sur les autres. Division du travail, ce n'est pas la même chose que division des tâches. » 3

« Aujourd'hui, toutes les décisions sont prises en secret même dans les états soi-disant démocratiques. Elles sont même pas prises dans les parlements ou soi-disant parlements, elles sont prises dans les coulisses, et même pas dans les coulisses du parlement, dans la coulisse de la direction du parti majoritaire. Et là une décision est prise, et on dit aux députés de ce parti qui sont les soi-disant représentants du peuple : vous voterez cela, ou autrement vous êtes exclus du parti et on vous présente pas aux prochaines élections, etc. » 3
 

Sur le projet d' « autonomie collective » :

« Le projet socialiste est projet de création d'une nouvelle forme de société. (…)
Dés le début du 19ème siècle, les ouvriers contestent l'institution établie de la société ; non seulement de la société capitaliste, mais de toutes les sociétés dites « historiques ». (…)
(Ce mouvement) se manifeste au grand jour, affirmant toujours la même visée, en Europe entre 1917 et 1923, en Espagne en 1936-37, en Hongrie en 1956, (…) le mouvement des jeunes – ce qui donne Mai 68 en France -, le mouvement des femmes, le mouvement écologique. Cette visée, on peut la formuler en un seul mot : la visée d'autonomie. (…) 4

« Qu'est ce qu'une société autonome ? J'avais d'abord donné au concept d'autonomie, étendu à la société, le sens de « gestion collective ». Je suis maintenant amené à lui donner un contenu plus radical, qui n'est plus simplement la gestion collective (l'autogestion) mais l'auto-institution permanente et explicite de la société ; c'est à dire un état où la collectivité sait que ses institutions sont sa propre création et est devenue capable de les regarder comme telles, de les reprendre et de les transformer. Si on accepte cette idée, elle définit une unité du projet révolutionnaire. » 6
 

Sur l'autonomie individuelle :

« Je peux dire que je suis libre dans une société où il y a des lois, si j’ai eu la possibilité effective (et non simplement sur le papier) de participer à la discussion, à la délibération et à la formation de ces lois. Cela veut dire que le pouvoir législatif doit appartenir effectivement à la collectivité, au peuple. » 4

« Nous devons comprendre que nous ne pouvons pas fuir notre responsabilité quand à l'institution de la société que nous voulons, pas même en nous réfugiant derrière la « raison ». Nous voulons l'égalité, la liberté, la justice. Cela n'est ni « rationnel », ni « irrationnel », c'est au-delà. (…) 4

Il s'agit de rappeler aux hommes cette vérité élémentaire, qu'ils connaissent bien mais oublient régulièrement lorsqu'ils s'agit des affaires publiques : ni l'expansion de l'économie capitaliste, ni le gouvernement, ni les lois de l'histoire, ni le Parti, ne travaillent jamais pour eux. Leur destin sera ce qu'ils voudront et pourront en faire. » 4

« Aujourd'hui, les individus sont conformes au système et le système aux individus. Pour que la société change, il faut un changement radical dans les intérêts et les attitudes des êtres humains. La passion pour les objets de consommation doit être remplacée par la passion pour les affaires communes. » (A noter que cette remarque s'applique éxactement à chacun d'entre nous, même lorsque nous pensons être ''décroissant'' ou frugal dans nos besoins matériels) 4
 

En bonus, aparté sur l'écologie :

« L’écologie peut très bien être intégrée dans une idéologie néo-fasciste. Face à une catastrophe écologique mondiale, par exemple, on voit très bien des régimes autoritaires imposant des restrictions draconiennes à une population affolée et apathique. L’insertion de la composante écologique dans un projet politique démocratique radical est indispensable. Et elle est d’autant plus impérative que la remise en cause des valeurs et des orientations de la société actuelle, impliquée par un tel projet est indissociable de la critique de l’imaginaire du "développement" sur lequel nous vivons (l'imaginaire en question : une nature ''inerte'' et considérée comme une simple marchandise à gérer). » 4
 

Sources :

5 : https://www.revenudebase.info/2017/04/04/projet-autonomie-castoriadis-revenu-de-base/
1, 2 : (tiré de Wikipedia)

3 : http://journaldumauss.net/?Jean-Louis-Prat-Introduction-a + Bonus MP3
4 : Cornélius Castoriadis, Une société à la dérive
6 : http://archivesautonomies.org/spip.php?article446
7 : http://ekladata.com/zAPkaunqDBzOdOdizMXJoOownsI/au2-5-32-philippe.pdf

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