Manipulé, moi ? Non ! Mais les autres, si...

Publié le par L'idrealiste

Hier c'était les gilets jaunes, le lendemain les écoles, et le jour d'après les infirmières, puis Pôle Emploi. Pas moyen de lutter ensemble. Même au sein d'une corporation, les syndicats achèvent la division, la fragmentation de notre colère commune. Nos intérêts ne sont pas les mêmes, bien sûr (c'est déjà le cas entre deux individus). Mais nous avons plus d’intérêts en commun que nous ne le croyons, comme vivre décemment, travailler dans des conditions décentes, vivre dans un environnement correct.

Je suis en colère moi aussi, contre vous, contre nous. J'ai vu circuler sur les pages facebook de mes amis des publications partagées d'une rare grossièreté, qui témoignent à mon sens d'un immense mépris :

- Une photo (ci-dessus) représentant des "gilets jaunes" mangeant au Quick, censée montrer l'incohérence de leur lutte. Cette photo s'intitulait : "Rien de tel qu'un bon Quick après une dure journée de révolte contre le capitalisme..." Sous entendu : ce mouvement n'est pas crédible car certains gilets jaunes ne sont pas cohérents à 100% vu qu'ils mangent à Quick, les (pauvres...) cons, donc leur cause n'est pas à soutenir.

- Une autre image montrant une rue vide pour une cause écologique, puis pleine pour l'augmentation du carburant. Si l'on devait mettre une légende à cette image, ce serait peut-être : Ils ne protestent que lorsque ça touche à leur quotidien immédiat, ils n'ont pas l'intelligence de réfléchir plus loin que le bout de leur nez et ils sont égoïstes, donc leur cause n'est pas à soutenir.

- Une troisième publication, plus grossière et violente encore, proclamait : "Va te faire foutre avec ton putain de 17 novembre." J'étais affligé de voir tant d'amis intelligents par ailleurs partager fièrement ce genre de phrase.
Il se trouve que le brave type à l'origine de cette publication a précisé quelques jours plus tard sur son journal : " le SEUL et UNIQUE message que j'ai voulu faire passer était que je trouvais ça triste et déplorable que l'élément déclencheur d'un "blocage national" soit la hausse du prix de l'essence. Et que ça serait plus "glorifiant" pour notre société si ce "blocage national" partait d'une cause plus importante que le prix du plein de nos bagnoles. Basta. Rien de plus. "
Et l'on peut effectivement trouver triste et déplorable le fait que les éléments déclencheurs des révoltes sont presque toujours peu glorieux, anecdotiques, triviaux. C'est qu'ils n'ont guère pour rôle que d'être la goutte d'eau qui fait déborder le vase !
Emmanuel Macron l'a bien compris, qui disait le 9 novembre dernier : «Je me méfie toujours de ces mouvements où l'on mélange tout, il y a beaucoup de gens qui veulent tout bloquer».

Ensuite, il y a eu l'utilisation des blessés et des deux morts par les médias et les gouvernants, sans précision aucune concernant les blessés, afin que l'on puisse s'imaginer des gilets jaunes barbares et violents. Certains d'entre vous se sont encore approprié cet argument officiel (de la violence) pour dénoncer le mouvement, alors que c'est un argument utilisé systématiquement contre toute revendication !

Et enfin, pire que tout, l'accent mis sur les quelques incidents homophobes et islamophobes qui, pour inacceptables qu'ils sont, n'en étaient pas moins très minoritaires. Ils ont été utilisés pour discréditer le mouvement, par certains à nouveau, et même par le ministre de l'intérieur !

Du classique, certes. Mais, que mes amis soient manipulés si facilement, cela me révolte, m’écœure et m'attriste.
Pourquoi ces jugements à l'emporte pièce sur une révolte populaire qui nous montre pourtant qu'il y a au moins une "convergence du ras le bol", à défaut d'une convergence des luttes qui est à construire,  pourquoi cet rejet, ce dédain, presque cette haine ?

 Est-ce parce que vous partager des publications sans réfléchir, inconscients, que vous jugez vite, sans réflexion et sans prendre le temps de vous informer ?
 Est-ce tout simplement le Biais de confirmation, c'est à dire que vous ne chercheriez qu'à confirmer, avec des arguments que les médias vous tendent à propos, vos préjugés sur les classes populaires (ils sont racistes, égoïstes, stupides et manipulés...) ?
 Est-ce que vous vivez dans un monde si différent de la "France d'en bas" que vous n'entendez même plus leur souffrance, un peu comme la classe dirigeante ne comprends rien aux "Sans dent" qu'elle moque et méprise ?

Ce mouvement illustre en réalité un énième épisode de la lutte des classes. Pour le voir, il suffit de regarder ce qui est écrit sur les gilets des manifestants, de lire les appels à manifester et les nombreuses déclarations faites.

Mais nombre d'entre vous ont fait mine de croire qu'il ne s'agissait en réalité que d'un caprice de gros beaufs égoïstes et vulgaires, obsédés par leur voitures polluantes. A moins que vous ne soyez très manipulable.

Manipulé(e), moi ? Non !
Mais les autres, si...

Et pour finir, une piste de réflexion, ci dessous :
"Nuit Debout (...) Ce mouvement social est pluriel (...) Sa revendication initiale, le refus de la loi travail, s'élargit à la contestation globale (...) Sans leader ni porte-parole (...)" Wikipedia

Eric Marquez.

Publié dans POLITIK

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article